Législatives anticipées : percée du RN, écologie à la peine.

législatives et écologie

Législatives et écologie

Pour environ 15 millions de Français et Françaises, chaque jour, les journaux télévisés sont une fenêtre ouverte sur le monde. Alors pendant les trois semaines de campagne des législatives anticipées – entre le 17 juin et le 7 juillet – nous avons cherché à savoir si les questions environnementales faisaient partie du paysage présenté aux électeurs et aux électrices dans le JT de TF1, Fr2 et M6 (midi et soir).

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Méthodologie – un pas vers la réalité des pratiques journalistiques

Le travail de veille que nous faisons depuis plus de deux ans nous a permis de percevoir certaines évolutions dans le traitement des questions écologiques. Des sujets émergent, ainsi, plus souvent qu’auparavant, pour illustrer des façons de “faire mieux”, “faire autrement”. Recyclage, voitures électriques, usage de l’eau, etc. Pour autant ces sujets ne citent que rarement de façon explicite la nature des crises écologiques, leurs causes (les activités humaines) ou le fait que les sujets présentés puissent faire partie d’un ensemble de solutions pour faire face à ces crises.

Pour évaluer le degré d’exposition des téléspectateurs et des téléspectatrices aux sujets “environnementaux”, nous avons comptabilisé, à la seconde près, la durée des messages qui, selon nous, permettent de gagner en connaissance et en compréhension sur un aspect des crises environnementales (changement climatique, perte de biodiversité, raréfaction des ressources, pollutions…) et de le percevoir comme un enjeu sur lequel nous pouvons agir. L’éruption de l’Etna et du Stromboli en Sicile, en contre-exemple, est bien un sujet qui traite de notre environnement naturel, mais l’humain n’a pas de prise sur ce phénomène… A l’inverse, un sujet de 2’50 » sur l’écotourisme en Corse est entré dans nos critères de sélection dès lors qu’il ne s’est pas limité à évoquer le bon accueil dans une chambre d’hôte et le prix de la nuitée (presque 1 minute!), mais qu’il a aussi mentionné la volonté des gérants d’un gîte de ne pas installer de climatisation, le choix des produits de saison dans un restaurant, l’aménagement du milieu pour favoriser le rapprochement simple des vacanciers avec la nature…
https://www.tf1info.fr/environnement-ecologie/videos/video-vacances-la-corse-loin-des-foules-7554-2307427.html 

 

Des indicateurs quantitatifs préoccupants

A l’issue d’une analyse de 118 JT de TF1, France 2 et M6, avec ces critères larges de sélection des sujets pertinents, nous avons constaté que les questions environnementales n’ont représenté que 6% du temps d’antenne pendant les trois semaines de campagne électorale. Une couverture qui, hasard des chiffres, s’est avérée strictement identique entre les trois chaînes. En comparaison, deux évènements sportifs qui, a priori, ne constituent pas des menaces existentielles pour notre espèce et des millions d’autres à moyen terme…ont occupé 50% de temps d’antenne de plus, avec un score de 9% en moyenne, très variable d’une chaîne à l’autre (5% pour TF1, 6% pour France 2 et … 17% pour M6 !).

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Les élections législatives 2024, elles, ont occupé 21% du temps des JT, soit environ 900 minutes. Normal, pourrait-on dire !

Sauf que sur ces 900 minutes, seules 6 ont été dédiées à l’explication des volets écologiques des programmes. Deux minutes de « décryptage » sur chacune des chaînes : le 19 juin sur TF1, le 26 juin sur France 2 et le 20 juin sur M6…

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Enfin, un autre indicateur a retenu notre attention, le nombre de JT qui n’évoquent, à aucun moment, le moindre enjeu environnemental, même avec un filtre de sélection particulièrement conciliant… : 19 JT sur 40 pour TF1; 15/40 pour France 2; 18/38 pour M6.

Une absence qui peut étonner, la période étant tristement riche en aléas climatiques (inondations, ouragans, records de températures à l’échelle globale et dans certaines zones). 

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La qualité, bien trop rare pour marquer les esprits

Les sujets qui permettent aux téléspectateurs de muscler leur culture sur les grands enjeux environnementaux de notre époque sont donc assez rares. Mais 6% ça n’est pas tout à fait rien non plus ! Malheureusement, le fait est que ces sujets sont souvent trop superficiels pour réellement aider les téléspectateur·ices à prendre conscience des enjeux, de faire des liens entre les constats, les causes et les éventuelles solutions. Les habitudes ont la peau dure et la parole scientifique, les ordres de grandeur ou les remises en question de notre système extractiviste et productiviste, notamment, manquent cruellement. In fine, le sentiment qui se dégage souvent est celui d’être spectateur des évènements/des constats sans être mis en situation de les relier à nos choix de société ou à nos choix individuels

Il faut tout de même noter quelques exceptions, précieuses, qui prouvent que les journalistes, quand ils sont formés et qu’ils ont le temps de travailler peuvent produire des reportages riches et utiles. Sur M6, Pauline Ben Sassi couvre les 24h du Mans sous l’angle du coût carbone d’un tel évènement. En 5 minutes, la complexité du sujet et des points de vue est bien rendue, incluant des avis d’experts de la transition.  https://www.youtube.com/watch?v=ZjPF17GmpPk  

Sur France 2, Sandrine Feydel nous présente en 3 minutes les modalités d’installation d’agriculteurs en agroécologie. Les bénéfices de ce type de culture, les montages financiers qui permettent d’assurer un revenu… https://x.com/infofrance2/status/1809313158588149789 

Conclusion sur le traitement des sujets écologiques pendant les législatives 2024

A l’heure où tout le monde parle d’arc républicain pour faire face à l’extrême droite, il peut sembler incongru de revenir sur cette campagne des élections législatives par le petit bout de la lorgnette “ClimatMédias”. Et pourtant… Pourtant, il ne nous semble pas si absurde de penser que la fidélité à des réalités physiques et biologiques qui conditionnent notre existence sur cette terre – dans les récits politiques comme médiatiques – serait de nature à ramener le racisme à ce qu’il est, 1° une névrose humaine à soigner 2° une construction sociale à décrypter et à démonter et 3° et une (énorme) épine dans le pied d’un avenir vivable dans un monde à +2°C ! Il ne nous semble pas si absurde, non plus, d’imaginer que le fait de développer la culture scientifique, dans des JT soucieux de traiter les enjeux écologiques, serait de nature à faire reculer la culture de la post-vérité, pilier de tous les autoritarismes. Il ne nous semble pas si absurde, enfin, de continuer à exiger que les grandes rédactions de l’audiovisuel respectent les engagements pris récemment face aux enjeux écologiques… Autant de feuilles de route qui, pour l’instant, servent un peu trop à se faire du vent quand viennent les canicules estivales.

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