Une étude parue dans la revue scientifique Nature établit un lien entre le changement climatique et l’intensification ainsi que la fréquence accrue des canicules observées entre 2000 et 2003, en soulignant la responsabilité des grandes entreprises du secteur des énergies fossiles. Terrible illustration des résultats de cette étude, la France a été touchée par deux vagues de chaleur pendant l’été 2025 : la première, commencée le 19 juin et terminée le 4 juillet et dont nous avons suivi la couverture , est considérée par Météo France comme un épisode remarquable par sa précocité, sa durée et son intensité (derrière juillet 2019 et août 2003).
Le traitement médiatique de ces épisodes de canicule a été critiqué, notamment par Bon Pote. Notre association a également veillé, en particulier les JT du 20h de France 2 de cette 50e vague de chaleur depuis 1947 à l’échelle du pays. Voici le résultat de nos observations.
En résumé :
La couverture médiatique des enjeux climatiques s’améliore en quantité et en qualité. On y trouve une progression des reportages faisant le lien entre vague de chaleur et dérèglement climatique. Toutefois, force est de constater que ce lien reste trop rare, se limite presque toujours à une simple mention, qui provient systématiquement de la bouche d’experts. Si leur parole est précieuse, on pourrait aussi attendre des journalistes de France Télévision qu’ils portent eux-mêmes certaines vérités scientifiques qui ne font plus débat, sur les enjeux de décarbonation de la France en l’occurrence.
En définitive, le JT de France 2 ne se sera pas saisi de cette vague de chaleur exceptionnelle pour expliquer aux Français en quoi l’organisation de notre société est responsable de ces événements météorologiques, ni comment limiter l’emballement climatique. Cela est regrettable car cela aurait pu constituer un véritable effet de levier.
Journalistes de France 2, vous pouvez faire encore mieux, les Français sont prêts !
Résultats quantitatifs :
Sur 16 JT étudiés lors de cette vague de chaleur, seuls 2 n’ont pas parlé de canicule ou d’incendie.
Les 14 restants en ont tous parlé, souvent dès les titres du JT.
Cependant on ne compte que 4 JT sur 16 au cours desquels le changement climatique est mentionné, dont 2 qui mentionnent également les causes de ce changement climatique : les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines (19 juin et 1er juillet). Malgré ces mentions, les actions concrètes et connues à mener pour limiter le dérèglement climatique ne sont jamais abordées.
Résultat qualitatif :
- Insuffisance des reportages mentionnant les causes du changement climatique :
Le JT du 19 juin parle de l’Accord de Paris de 2015 dont l’objectif le plus ambitieux ne pourra vraisemblablement pas être respecté.
On y voit également des parents inquiets pour leurs enfants qui finissent l’année scolaire dans des classes surchauffées, un expert météo qui nous confirme le lien entre les températures et le changement climatique. On y parle de trucs et astuces pour faire baisser les températures, on met en évidence les contradictions entre des gestes utiles – comme installer des volets – et les recommandations des Architectes des Bâtiments de France qui interdisent l’installation de ces équipements car ils dénaturent le patrimoine dans les zones classées. Aucun décryptage d’experts ne sera fait malheureusement sur ce sujet en particulier.
Un reportage est consacré au fait que les émissions ont atteint un record, sans retour possible. Malgré cette impossibilité de respecter l’Accord de Paris, le JT relaie l’appel des scientifiques (Christophe Cassou) qui demandent à stopper nos rejets de CO2. “Pour limiter le changement climatique, il ne faut plus ajouter de molécules de CO2 dans l’atmosphère qui viennent, pour rappel, de la consommation d’énergies fossiles et de la déforestation”.
Malheureusement le JT n’ira pas plus loin dans le décryptage.
Le JT du 1er juillet** parle du changement climatique presque tout du long avec notamment un dossier “2050 la France invivable ?” et une interview de J.-M. Jancovici.
Ces reportages font systématiquement le lien avec l’une des composantes de la chaîne causale du changement climatique (cause, conséquence ou solution) sur les différents secteurs de la société. Il est bon de noter toutefois que les causes ne sont que mentionnées sans être décryptées contrairement au traitement des autres composantes de la chaîne causale.
Et les 6 minutes d’interview de J.-M. Jancovici autour de deux questions binaires et peu subtiles (va-t-il falloir climatiser toute la France et le nucléaire est-il adapté au CC ?) ne suffiront pas à changer la donne. Il évoquera l’importance de changer nos modes de vie sans avoir le temps de nous apporter des exemples concrets.
- Evolution des pratiques journalistiques à retenir :
On note 4 JT de France 2 traitant de l’écologie avec un effort de recherche d’angle
original : celui du 23 juin, du 30 juin et celui du 1er et 2 juillet.
Le JT du 23 juin parle du changement climatique sous l’angle du patrimoine avec Stéphane Bern. Il fait le lien entre les événements météorologiques extrêmes et la vulnérabilité de notre patrimoine historique ainsi que des forêts françaises. Ce rapprochement entre culture et impact climatique est très intéressant pour rendre compte des dégâts qui nous attendent. Même si dans ce cas encore, le JT ne nous propose pas de solution pour limiter nos émissions carbone.
Le JT du 30 juin parle de la rénovation de 40 000 écoles et de l’impact des coupes budgétaires. Il mentionne également la lenteur pour toutes celles qui attendent encore, une lenteur expliquée par la fonte du Fonds vert, au nom de la rigueur budgétaire. Ce rapprochement entre vie des écoliers en période de canicule et investissements des collectivités est intéressant pour rendre compte de l’importance des coupes budgétaires. Un bel exemple pour le traitement transversal des sujets !
Le JT du 2 juillet parle du coût des vagues de chaleurs et des impacts sur les secteurs économiques.
L’impact sur l’agriculture et notamment l’élevage et les commerces sont évoqués. Il est précisé que la vague de chaleur est responsable d’un recul de croissance de 0,3 points de PIB ce qui revient environ à une perte de 9 milliards d’euros sur la richesse nationale (3 fois plus qu’en 2003).
Faut-il déduire que le JT, sur une période de canicule, a besoin d’invités (Christophe Cassou, J.-M. Jancovici) pour assumer d’aborder les enjeux urgents de décarbonation de notre société ? Pourquoi les journalistes ne relaient-ils pas eux-mêmes le consensus scientifique. Pourquoi, alors, ne pas leur laisser plus de temps aux chercheurs et experts pour expliquer concrètement les changements d’ampleur que nous devons opérer ?
- Reportages au delà du climat :
Au delà de ces reportages, on compte également :
- un reportage sur le taux de micro plastique dans les bouteilles en verre 5 à 50 fois plus concentré que les bouteilles en plastique (21 juin) ;
- un reportage sur l’inaction de l’Etat face à la pollution aux algues vertes (24 juin) ;
- régénération de la biodiversité aquatique grâce à l’amélioration de la qualité de l’eau (3 juillet)
Les omissions :
On constate que les experts n’ont pas eu le temps d’aller bien loin dans leurs explications. Pourtant, de nombreuses minutes de notre temps de cerveau disponible ont été particulièrement mal utilisées :
- Le 19 juin, 25 minutes accordées à la SNCF sans jamais mentionner l’importance du train comme solution à la stratégie bas carbone
- Le 20 juin, 5 min sont accordées à la voiture Rolls-Royce sans mention du changement climatique et 13 min sur les dents de la mer qui fête ses 50 ans.
- Le 21 juin, 20 min portent sur le lien entre automobile et cinéma qui a façonné notre manière de percevoir les voitures comme un objet masculin appelant au danger, à la rivalité, au risque, à l’adrénaline et rien sur ses impacts sur l’environnement…
- Le 28 juin, 5 min sont accordées aux camping-cars qui attisent la soif de liberté, la recherche de fraîcheur et de beaux paysages. Perçu comme une maison secondaire qui répond à l’envie d’ailleurs sans mentionner son impact en termes d’émission carbone.
Imaginez si ces longues minutes portaient sur des solutions pour transformer notre économie locale, nationale voire internationale…
** Détails du JT de France 2 du 1er juillet :
Sont abordés toutes les composantes du risque climatique avec des angles diversifiés par secteurs :
- aléas climatiques en présentant les perspectives d’ici les prochaines décennies : le nombre de jours à + 30°, les nuits tropicales qui vont augmenter ;
- vulnérabilité des populations : les crèches, les EHPAD, des travailleurs en extérieurs ;
- exposition comme dans le cas de la ville de Lyon ou des hôpitaux : est évoqué le manque de personnel et d’équipements menaçant la prise en charge potentielle de personnes à l’avenir.
- impacts sur les différents secteurs économiques :
- l’économie européenne pourrait perdre 0,5 de croissance dès cette année
- l’agriculture : les vaches protégées par la ventilation avec des toitures opaques, brumisateurs, … On nous rappelle que plus il fait chaud, moins il y a de lait. On nous explique également que certaines cultures vont disparaître
- énergie : hausse de la consommation et baisse de la production avec des centrales à l’arrêt car le rejet de l’eau chaude dans leur milieu naturel impacte la biodiversité.
- transport : caténaires et rails souffrent de la chaleur et peuvent se déformer. On nous dit qu’actuellement les effets du CC sur les infrastructures sont mal connus.
Ce dossier spécial est d’autant plus complet qu’on y aborde également les solutions :
- d’adaptation pour toutes et tous avec une intervention de Nicolas Châteauneuf pour partager les trucs et astuces pour éviter l’augmentation des températures à l’intérieur des habitations et pour les rafraîchir également ;
- d’adaptation de l’élevage et de l’agriculture ;
- d’adaptation des villes grâce à leur végétalisation, la mise en place de réseau de fraîcheur, d’ombrières, la réduction de la place de la voiture, la désimperméabilisation des sols ;
- d’adaptation dans le secteur des transports : où les routes sont traitées au lait de chaux pour éviter que le bitume s’accroche aux pneus réduisant les risques liés à la surchauffe des routes
- d’adaptation des entreprises pour que les salariés puissent travailler en toute circonstance, en peignant en blanc les toitures des locaux commerciaux
- d’atténuation, en évoquant, sans détails malheureusement, l’intensification de la lutte contre le CC et du besoin de réduire drastiquement les émissions de GES.